20 Juillet 2017
Je suis partie en colo pendant dix jours, si bien que je n'ai pas lu du tout. Hé oui, il m'est possible de ne pas lire du tout ! Mais je vous avoue que ça m'a fait du bien de m'y remettre. Enfin, pour un temps très court. J'ai commencé No et moi de Delphine de Vigan hier soir et je l'ai fini ce matin. Voilà, c'est tout simple, ça se lit vite, et surtout c'est si puissant ! Voici d'abord une petite situation de l'histoire et puis je vous en parle en détails.
Depuis la mort de sa petite soeur Thaïs, la mère de Lou vit comme paralysée dans un monde qu'elle seule connait. Ne s'étant jamais remise de la perte de son enfant, elle a délaissée sa famille et reste enfermée en elle-même. A côté de cela, il y a sa fille, Lou, enfant surdouée, en seconde à treize ans, et son mari qui fait tout et qui essaie de faire comme si tout allait bien. Sauf que tout ne va pas bien. Lou se sent délaissée. Elle fait des théories sur tout et n'importe quoi, comme la résistance entre un élastique de la cuisine et un chouchou. Elle cherche des nouveaux mots tous les jours et compte tout ce qui lui passe sous le nez. Elle se réfugie dans la connaissance pour ne pas pleurer. Première de sa classe, dix-huit partout. Elle aime aller à la gare pour voir les trains aller et venir, les gens qui se disent au revoir et ceux qui se retrouvent. C'est dans cette atmosphère chaleureuse et tendue à la fois qu'elle a rencontré No.
Elle avait l'air si jeune. En même temps il m'avait semblé qu'elle connaissait vraiment la vie, ou plutôt qu'elle connaissait de la vie quelque chose qui faisait peur.
Nolwenn a dix-huit ans, elle vit dans la rue, sans personne et sans abris. Elle saute de foyers en foyers, fait la manche dans la rue et échappe aux yeux vigilants des policiers. Elle devient l'amie secrète de Lou. D'ailleurs, celle-ci fait appel à No pour un exposé sur les sans-abris, thème auquel elle se dédie de toute âme et de tout coeur pour faire ressortir l'atrocité du monde dans lequel nous vivons.
On est capable d'envoyer des avions supersoniques et des fusées dans l'espace, d'identifier un criminel à partir d'un cheveu ou d'une minuscule particule de peau, de créer une tomate qui reste trois semaines au réfrigérateur sans prendre une ride, de faire tenir dans une puce microscopique des milliers d'informations. On est capable de laisser des gens mourir dans la rue.
Et puis un jour, elle décide d'agir.
- Le problème c'est les "mais", justement, avec les "mais" on ne fait jamais rien.
- T'es toute petite et t'es toute grande, Pépite, et t'as bien raison.
Avec l'aide de son ami Lucas, garçon qu'elle aime en secret depuis le début de l'année, Lou accueille No chez elle - avec l'accord de ses parents. No finit par retrouver ses couleurs, puis un travail. Mais elle repart en dépression, et tout se gâte.
Dans ce livre, les choses sont exposées de la manière la plus simple possible : par des phrases bien construites, le texte est accessible à tous. Seulement, les idées transmises ne sont, elles, pas si simples. La dureté que l'on devine à l'arrière plan, qui relève de la réalité, ne peut être comprise que par un esprit qui sait reconnaître et assumer, et une immense maturité. Traduction : si j'avais été plus petite, je n'aurais peut-être pas compris. Le style est attachant et l'on rentre tout de suite dans l'histoire : une fois qu'on a commencé on ne peut plus s'arrêter. Un style presque enfantin nous pousse à continuer...
Le résumé n'étant pas du tout représentatif de l'histoire je vous conseille de ne pas vous fier à la quatrième de couverture si vous l'avez déjà chez vous. - Ce qui était assez sympa, c'est que comme je suis en seconde, j'ai compris toutes les allusions au programme scolaire... Ce qui arrive rarement quand on lit un livre pour l'école. Parce que oui, c'est pour l'école que je l'ai lu ; et je me permets de vous le dire : je passe en première L et il faut avoir lu bonne quantité de livres pour se créer une véritable culture littéraire. Ce que je n'ai que dans les registres fantastique et policier. Pas pratique.
Tant d'émotions m'ont traversée en lisant ce roman : j'avais déjà pleuré trois fois à peine arrivée à la page 51 ; puis l'on jubile, exalte, explose de joie ; et enfin on re-pleure parce que la fin est dure et que l'on ne s'attendait pas à ça. Je ne vous révèle rien, ne vous inquiétez pas. Tout est si bien tissé, avec tant de légèreté sur les affaires compliquées de la vie...
Enfin, sortons un peu de ce trou morbide mais délicieux pour comparer le début avec une autre oeuvre tellement bae : La Nuit du Renard, de Mary Higgins Clark. Hé oui, on peut trouver des ressemblances entre des choses si opposées ! Au début de No et moi, une description de trains dans les gares, avec les gens qui arrivent et qui partent est dressée, tout comme le Renard qui aime les gares, et aussi les gens qui arrivent et qui partent.
"L'art de dire les choses graves avec légèreté" (E. de B., Marie Claire). "Une belle histoire d'amitié et d'amour, de celles que l'on partage avec jubilation tant le plaisir de la lecture a été grand. Une pépite de tendresse." (Véronique Marchand, Librairie Coiffard Nantes). Je conseille ce livre à tous, qui que vous soyez, et quelque soit le genre de livres que vous lisez. Mais juste une chose : ayez l'esprit bien accroché pour le lire. Car même si l'héroïne principale est une enfant de treize ans, le fond est chargé de pensées noires, noires comme le monde. J'ai beaucoup pleuré, comme j'ai beaucoup ri, aussi, quelques fois. On vit vraiment avec les personnages. Dans n'importe quelle histoire de Thimothée de Fombelle par exemple on pourrait se dire qu'il ne faut pas pleurer autant, et que de toutes façons ce n'est qu'une histoire ; alors que dans un livre comme celui-là on ne peut pas parce que c'est tout simplement trop réel. Il nous heurte à la réalité (oui je sais j'ai dit trop de fois le mot "réalité", mais c'est parce que j'adore les messages passés dans ce livre).
@India - 20/07/2017
Voici en attendant quelques passages pour vous donner envie de le lire - malgré mes "menaces" de tristesse...
Parfois, je la laisse là, devant une chope vide, je me lève, je me rassois, je m'attarde, je cherche quelque chose qui pourrait la réconforter, je ne trouve pas de mots, je n'arrive pas à partir, elle baisse les yeux, elle ne dit rien.
Et notre silence est chargé de toute l'impuissance du monde, notre silence est comme un retour à l'origine des choses, à leur vérité.
Quand la porte s'ouvre il y a cet air froid qui vient dehors, et d'un seul coup envahit l'entrée, mon père referme aussitôt derrière lui, voilà, il est au chaud, nous sommes au chaud, je pense à No, quelque part j'ignore où, sur quel pavé, dans quel courant d'air.
Parfois il me semble qu'à l'intérieur de moi quelque chose fait défaut, un fil inversé, une pièce défectueuse, une erreur de fabrication, non pas quelque chose en plus, comme on pourrait le croire, mais quelque chose qui manque.
Les gens nous regardent. Les gens nous regardent parce que No vit dans la rue et ça se voit comme le nez au milieu de la figure.
Une fois je me suis assise à côté d'elle sur son lit, elle s'est tournée vers moi et elle m'a dit : alors maintenant on est ensemble, toutes les deux ? J'ai répondu oui, je ne savais pas très bien ce que ça signifiait pour elle, être ensemble, c'est quelque chose qu'elle demande souvent : on est ensemble, hein, Lou ? Maintenant je sais. Ca veut dire que rien jamais ne pourra nous séparer, c'est comme un pecte entre nous, un pacte qui se dispense de mots.
Merci aux Bookies de Saint-Cloud de m'avoir conseillé ce merveilleux livre. 😉👌🏻👍🏻😊