6 Août 2020
Douzième roman d'Amélie Nothomb paru en 2003, Antéchrista a été une très belle lecture. Un petit livre de tout juste 150 pages qui se lit très vite, et très bien. Pour de gros dévoreurs de livres, on ne peut qu'accrocher au style d'Amélie Nothomb.
Quand le regard de Christa se pose sur Blanche, la jeune fille de seize ans, timide, et isolée, l’accueille comme une preuve d'amour. La fille la plus populaire de la fac, d'un milieu défavorisé et se battant pour la justice, vient de la regarder ; elle que personne ne remarque jamais. N'ayant aucune connaissance en matière de relations humaines, Blanche veut à tout prix que Christa soit son amie. Celle qu'elle cherchait à arranger en lui proposant de venir dormir chez elle le lundi soir devient alors un être supérieur qu'elle supplie de l'honorer de sa présence. En lui donnant la main, Blanche découvre qu'il lui faut aussi le bras, puis l'épaule, et l'omoplate. Et tout le reste de son corps. Et ce qui n'est pas son corps.
Face à cette manipulatrice, Blanche m'a paru très chétive, et je me suis beaucoup identifiée à elle.
- C'est bizarre, observais-je. Quand tu parles de Christa en ma présence, tu dis Christa. Quand tu parles de moi en ma présence, tu dis elle.
D'une timidité extrême, elle est maladroite et s'enfonce dans la position de victime que lui a imposée Christa.
La riposte ne tardait pas.
"C'est ça, tu joues le jeu de l'ennemie, tu lui trouves toujours des excuses, jusqu'où faudra-t-il que tu mordes la poussière pour réagir ? Si tu n'as pas de respect pour toi, ne t'étonne pas qu'elle ne te respecte pas !"
La négociation étais sans fin.
"Et alors, tu vas exiger des excuses ? Tu auras l'air fin, tiens ! Tu serais moins bête si tu ne montrais pas qu'elle t'a blessée. Sois au-dessus de ça ! Ne te complais pas dans ton complexe de persécution !
Amélie Nothomb oppose deux caractères humains très différents avec son style franc, pur, et en fin de compte très profond.
J'avais de l'amitié une vision sublime : si elle n'était pas Oreste et Pylade, Achille et Patrocle, Montaigne et La Boétie, parce que c'était lui, parce que c'était moi, alors je n'en voulais pas.
Les personnages sont campés de la manière la plus simple possible : leurs motivations intérieures plutôt que le physique, ce qui les rend vivant par leurs actions et par leurs pensées.
C'était pourtant le mot le plus simple : l'archée est la portée d'un arc, comme l'enjambée est la portée d'une jambe et la foulée la portée d'un pas. Aucun mot n'avait autant le pouvoir de me faire rêver : il contenait l'arc tendu à se rompre, la flèche, et surtout le moment sublime de la détente, le jaillissement du trait au travers de l'air, la tension vers l'infini, et déjà, la défaite chevaleresque puisque, malgré le désir de l'arc, sa portée sera finie, mesurable, impulsion vitale interrompue en plein vol. L'archée, c'était l'élan par excellence, de la naissance à la mort, la pure énergie brûlée en un instant.
Très accessible, Antéchrista peut se lire par tous. Vous repérerez alors sa fine plume et cette âme des personnages, des évènements, du livre en soit, et qui est aussi la sienne. Vous serez alors addict à la littérature d'Amélie Nothomb.
@Esther - 04/08/2020