8 Juin 2020
Pour me remettre à lire petit à petit, avant les vacances d'été, j'ai ressortit Cité 19, deux tomes écrits par Stéphane Michaka en 2015 et 2016. Un point qui ne m'avait pas encouragée à la lecture lorsqu'on me les avait offert : le résumé en quatrième de couverture éclaire si peu sur la philosophie du livre ! Car Cité 19 est plus qu'un roman fantastique, historique ou de science fiction : c'est un questionnement perpétuel sur notre rapport à l'Histoire sur la psychologie des masses.
À une semaine du bac, Faustine apprend la mort de son père. Il se serait jeté d'une tour, lors d'un rendez-vous à minuit avec les Illuministes. Une société ou secte mystérieuse qui organise des jeux de piste dans Paris, comme au XIXème siècle. Mais à la morgue, alors que la police lui demande d'identifier les vêtements de son père, Faustine ne reconnaît pas sa main. Ce n'est pas son corps qui est sous le drap, mais ce sont bien ses vêtements. Son père aurait disparu, et on aurait maquillé sa mort ? Dans quel but ? Des questions qui tournent en rond dans sa tête et qui lui font rendre copie blanche à l'épreuve de philosophie. Révoltée par l'enquête bien trop coute de la police, la conduite déplacée d'un agent est la goutte qui manquait pour faire déborder le vase. C'est à la station de métro Cité que débuta le début de son aventure. Depuis quelques années, elle se sentait épiée, observée, surveillée presque. Mais ce n'est que récemment qu'elle avait remarqué un jeune homme blond, aux allures de dandy et aux jambes arquées, qui lui avait prestement demandé si elle voulait se rendre au XIXème siècle. Était-ce son rêve le plus cher ? Sur le moment, oui, peut-être pour se rapprocher de la passion de sa mère, disparue lorsqu'elle avait cinq ans. Du quai de métro, elle se retrouve dans le Paris du XIXème siècle ! Impossible de mettre une date précise sur ses visions : on se situe sous le Second Empire, quelque par entre les travaux du baron Haussmann, l'Exposition Universelle et la Commune de 1871. A-t'elle remonté le temps ? Tout semble si réel. Obsédé comme elle par cette époque, son père se sentirait comme un poisson dans l'eau. Et si, justement… son père était là ? Dans ce monde étranger, Faustine fait tout son possible pour rester lucide et rester sur ses gardes. Elle rencontre des attaches et tisse des liens… Sans se douter que la mort attend Manon, une jeune couturière. Plus de doute, Faustine n'est pas en lieu sûr dans la peu d'une femme. Jurant de venger son amie, elle se métamorphose en garçon pour devenir journaliste au Petit Journal. Ce crime n'est pas le premier : un bête ferait des ravages monstrueux dans Paris. Faustine, ou plutôt Faustin, n'est pas sûr de suivre l'affaire, mais il compte bien se lancer après le tueur. Le tueur… Ou peut-être plus haut. Quelqu'un plus haut gradé, comme le baron Haussmann, Napoléon III… Ou plus haut encore ? Le monde dans lequel elle évolue, qui lui parait si vrai, mais elle ne tarde pas à découvrir tout un tas d'anachronismes saisissants. Pourquoi est-elle la seule à s'en rendre compte ? Quel lien avec les habitants assassinés qui "fréquentent les passages" ? Car si Faustine s'est retrouvée éjectée cent cinquante ans en arrière, tous les mystères qui l'entourent y sont forcément reliés.
- Pour se débrouiller aussi bien sous le Second Empire, elle ne devait pas être très heureuse à notre époque !
- À moins que notre notre époque ne soit une réplique du Second Empire, rétorqua Lucie.
Cité 19 est exactement le livre que j'ai toujours rêvé de lire. Une once de fantastique, avant que nous soient ouvertes les portes de la science fiction. Le lecteur évolue en même temps que Faustine : des indices vus par ses yeux nous donnent des pistes de réflexion sur la situation de l'héroïne, et lorsque la vérité est révélée, toutes les pièces se sont déjà assemblées dans notre esprit. Il ne m'a pas été très compliqué de suivre le déroulement de l'intrigue, mais je suis restée un peu sur ma fin. Je suis déçue que ce que j'ai jugé comme un si bon roman s'arrête en chemin. Enfin, j'ai quand même très vite accroché, guidée par le sujet du bac de philosophie : "science sans conscience n'est que ruine de l'âme" (Rabelais) - qui ne fut, sans aucun doute, pas choisie au hasard - dans une autre époque qui m'a toujours intéressée : le XIXème siècle. Une affaire policière, mais surtout un mystère plus grand que le décors. Est-ce la réalité ? Tout nous fait douter. Le plus intéressant derrière cette intrigue bancale est la réflexion philosophique du livre. Pour moi, Cité 19 n'est pas un simple roman pour adolescent. Cité 19 va plus loin que la fiction dans des questionnements éthiques.
Cité 19 m'a particulièrement fait penser à Matin brun, de Franck Pavloff. Lu en fin de mon année de première L, il faisait partie d'un corpus de textes sur l'obéissance à l'autorité et la soumission. C'était une thématique qui m'avait fortement intéressée à laquelle je continue de rattacher des lectures. D'un côté expérimental et scientifique, j'ai plus associé le roman de Stéphane Michaka à Puzzle, de Franck Thilliez. Cité 19 donne particulièrement envie de se concentrer d'avantage sur la science-fiction comme avec le fameux 1984 de Georges Orwell et la psychologie des masses (La Vague de Todd Strasser, un très bon exemple de ma part).
@Esther - 04/06/2020