17 Août 2018
Il y a quatre ans de cela, j'avais lu un livre contenant des extraits de Gargantua de Rabelais. Je n'avais pas du tout aimé et m'étais promis de ne plus jamais en entendre parler. Malheureusement, ce n'est pas moi qui contrôle ce genre de choses, et c'est effondrée que j'ai assisté, impuissante, au retour de Gargantua. En fait nous n'avions jamais étudié en classe le côté humaniste, qui est quand même la clé de l'histoire - autre que le fond. Je serais incapable de vous dire ce sur quoi nous nous étions arrêtés, mais je peux simplement vous dire que ce n'est jamais mal de relire une œuvre.
Tout débute dans une période appelée la Renaissance, au sortir du Moyen-Age. Bien que Pantagruel ait été écrit avant Gargantua, ce livre convoque des extraits de Gargantua en premier, puis Pantagruel. Ainsi donc, Gargantua nait chez une famille de géants. Je précise (ce n'est pas écrit dans ce livre mais dans le premier que j'ai lu) que ce bébé est né par l'oreille de sa mère. Original, mais faisable ? Je n'en suis pas si sûre. Poursuivons. Il est élevé par des moines solistes avant que le savant Ponocratès ne reprenne son éducation en main, suite à la découverte phénoménale de l'intelligence de Gargantua, En effet, celui-ci dicte à son père Grandgousier la meilleure manière de "se torcher le cul". Toujours très élégant. Depuis, il ne perd plus une seule heure de la journée et étudie sans cesse afin de se nourrir de toutes les connaissances de l'époque. Il part ensuite à l'aventure, combattant le roi Picrochole et finissant en rentrant de ses conquêtes par construire l'abbaye de Thélème, symbole de la volonté de Dieu. Son fils Pantagruel nait dans la seconde partie du livre, de son union avec Bedebec, héritière du trône d'Utopie. Mais elle meurt en mettant au jour son fils ; et Gargantua, après avoir décidé s'il devait pleurer la mort de son épouse bien aimée ou se réjouir de la naissance de son fils :
Ma femme est morte, eh bien par Dieu (sauf votre respect) je ne la ressusciterai pas par mes pleurs.
procure à celui-ci une éducation aussi digne que la sienne. lI arrive aussi à Pantagruel de devoir se battre contre des armées ennemies qui veulent envahir les terres de feu son père.
Dans les deux histoires s'immiscent des petites aventures sans grand rapport avec l'intrigue principale, que l'on pourrait considérer comme secondaire, tout en se rappelant que ce ne sont que des extraits. Les deux passages que j'ai préféré sont dans Gargantua, lorsque celui-ci dévore des pèlerins cachés dans sa salade. Ils restent dans sa bouche et dans sa gorge et finissent par s'enfuir. Puis dans Pantagruel, celui-ci rentrant de la guerre avec son armée, il se met à pleuvoir. Alors le géant tire la langue pour les protéger de la pluie, et le narrateur entre dans sa bouche. Il parcourt deux lieues sur sa langue avant d'entrer véritablement dans sa bouche où un paysage magnifique est décrit. Il y passe plus de six mois puis ressort. Je ne sais pas si j'aime ces passages car c'est une réécriture du Petit Chaperon Rouge (version où il est dévoré mais toujours en vie dans le ventre du loup ; je suis très sérieuse) ou du Loup et des Sept Chevreaux (pareil, où les chevreaux restent en vie)... Ou alors parce que j'aime bien le fait de manger quelqu'un mais là, devient inquiétant.
Bien que le fond puisse vous paraître "vulgaire" voire "grotesque" en général, il y a une autre dimension derrière ces propos. Tout d'abord, l'auteur prévient dans son avis au lecteur que ces propos ne sont que des badineries dont il faut rire et non pas pleurer,
Parce que le rire est le propre de l'Homme.
Et dans le prologue, Rabelais annonce qu'il s'agit de badineries certes, amis dans le but de délivrer un message. Nous découvrons le monde humaniste ainsi que toutes les facettes de la science et du savoir, où sont présentes des badineries pour amuser le lecteur. N'oubliez pas qu'un écrivain s'adresse à tous types de lecteurs, comme un dramaturge qui doit mettre du comique dans sa pièce. Sinon le lecteur risque de délaisser le livre car les propos seront ennuyeux. On retrouve quand même une morale à la fin, clé de lecture (voici celle de Pantagruel) :
Et si vous désirez être de bons Pantagruélistes (c'est à dire vivre en paix, joie, santé, en faisant toujours grade chère) ne vous fiez jamais aux personnes qui regardent par un trou.
Oui bien sûr, c'est mon rêve le plus profond de ressembler à Pantagruel... Mais c'est n'importe quoi cette morale, qu'est-ce que c'est que ça ? 😂 Maintenant, à cause de Rabelais, je pense toujours à cette phrase quand je anse un éclair...
Parfois il y a des livres (souvent des classiques, on se demande pourquoi) que vous n'aimez vraiment - mais vraiment pas. Vous essayez de vous tenir éloigné d'eux mais ça échoue. Et bien, c'est une autre façon de revisiter l'œuvre ! Dans un sujet d'invention que j'ai écrit à ce propos, il s'agit d'une nouvelle chance de vous cultiver ! Bon, j'ai écrit dans cette rédaction que j'étais tombée amoureuse de Rabelais… Heu ce n'est pas tout à fait correct, mais remarquez que je suis quand même passée de "désolation extrême" et "dégoût insurmontable" à "ça passe", "c'est pas mal". Tout ça pour vous dire que si vous n'avez pas aimé une œuvre la première fois, ce ne sera pas nécessairement la même chose toute votre vie ! Enfin, peut-être, peut-être pas… On ne peut rien prévoir. En arrivant à la fin, je suis tombée sur ces deux citations :
Gargantua disait qu'il ne connaissait pas de perte de temps plus réelle que de compter les heures - quel bien en retire-t'on ?
Si vous me dîtes : "Maître, il semblerait que vous n'ayez pas été très sage de nous écrire ces badineries ces plaisantes moqueries", je vous répond que vous ne l'êtes guère plus de perdre votre temps à la lire.
Juste pour vous démontrer que rien ne vous sera inutile, si vous lisez ce livre. Les problèmes du XVIème siècle sont - pour certains - encore les mêmes qu'aujourd'hui. De quels problèmes je parle ? De celui-là par exemple :
Nous entreprenons toujours ce qui est défendu, et convoitons ce qu'on nous refuse.
C'est tellement vrai : combien de fois j'ai mis mes doigts dans les prises ou allumé l'eau en même temps que le sèche cheveux alors que "je pouvais m'électrocuter" ? Ou alors essayé de reculer ma langue le plus loin dans ma bouche pour voir si c'était possible d'avaler sa langue ? Je vous rassure, j'étais petite à ces moments là… Je vous interdis de rire.
Enfin bref, cette petite parenthèse pour dire que ce livres est un grand classique à côté duquel il serait bête de passer. Dans le fond, il n'est pas mal mais le vrai sens repose sur les connaissances intellectuelles de ce siècle de la Renaissance. Je vous conseille de le lire mais ne vous attendez pas à quelque chose de facile à lire et toujours très intéressant : c'est très homogène.
@India - 13/08/2018