16 Septembre 2019
J'avais été prévenue qu'un nouveau livre d'Amélie Nothomb allait sortir le 21 août, et je l'ai acheté sans même avoir regardé le résumé ou le titre. Pas très malin vous direz-vous, imagine que tu n'aimes pas ! Il n'est était pas question parce que j'adore Amélie Nothomb, et je lui fait totalement confiance pour de nouvelles histoires.
J'ai donc été très étonnée quand j'ai lu les premières lignes en référence au procès d'un homme (et pas une femme, ce livre n'était donc pas en partie autobiographique comme Stupeur et Tremblements), puis le motif : avoir changé l'eau en vin. Plus de doute possible, j'avais affaire à une réécriture de la Bible ; et plus spécifiquement à la Passion de Jésus-Christ. Dans la religion chrétienne, un dieu unique aurait donné un fils à Marie, exempt de tout pêché et destiné à mourir crucifié pour expier les fautes des Hommes. Dans le passage revisité par Amélie Nothomb, ce fils (Jésus) est jugé, emprisonné, mort sur la croix avant le moment crucial (c'est le cas de le dire) : la Résurrection (retour à la vie après la mort). La "Passion" désigne ce moment sur la croix où Jésus souffre et, selon les Évangiles (les écritures saintes qui relatent sa vie et ses miracles), pardonnerait aux Hommes tout le mal qu'il ont fait.
Même chrétienne, j'ai toujours eu du mal à comprendre le moment de la Passion : pourquoi se sacrifier pour tous les Hommes ? "Par amour". Oui bon d'accord, mais ce n'est pas en souffrant que les autres vont arrêter de pêcher… Et puis, qu'est-ce qu'un Homme qui ne pêche pas ? C'est Dieu, soit la perfection, donc le pêché est humain. Petit moment philosophique, et vous verrez que ce n'est pas le dernier ! Soif est un considérable effort d'écriture qui se ressent dans le style, mais aussi lieu de réflexions multiples.
Les humains se plaignent, à raison des imperfections du corps. L'explication coule de source : que vaudrait la maison dessinée par un architecte sans domicile ? On excelle que dans ce dont on a la pratique quotidienne. Mon père n'a jamais eu de corps. Pour un ignorant, je trouve qu'il s'en est fabuleusement bien tiré.
Grâce à un texte universel, Amélie Nothomb arrive à faire surgir le plus important : la soif d'amour qui nous submerge, avec des mots simples et beaux.
Elle pourra se recueillir sur sa tombe chaque jour, elle sait que rien ne vaut l'étreinte : oui, même avec un corps mort, tout l'amour du monde de n'exprime jamais aussi bien que par l'embrassement.
Le style d'Amélie Nothomb est particulier : tant de franchise, d'honnêteté et d'émotion s'y rencontrent. L'émotion fait aussi partie du quotidien du lecteur : dès la page douze, les larmes vous glisseront des yeux. Certains moments de souffrance sont décrits de manière à ce que tous puissent s'identifier au Christ. Par exemple, lorsque celui-ci portait sa croix, j'ai pensé à mon bac de natation-sauvetage, lorsque j'ai dut aller récupérer le mannequin jaune après huit longueurs et nager sur trente mètres avec. Objet plus trivial de comparaison, mais bien que réécrit, ce texte conserve sa portée universelle et en favorise l'expansion.
D'un autre côté, Soif est génialement drôle. Je m'étonnais que l’auteur se soit attaquée à un sujet aussi sérieux (la religion faisant toujours polémique), mais c'est tant mieux : vous n'avez pas besoin de connaître l'histoire du Christ au préalable puisque tout vous est expliqué et développé avec une note d'humour réjouissant.
Je n'ai pas dit non plus à Jean (qui n'était pas plus là que les autres disciples) : "Voici ta mère", ni à ma mère (qui avait la bonté d'être absente) : "Mère, voici ton fils." Jean, je t'aime beaucoup. Cela ne t'autorise pas à dire n'importe quoi.
C'est aussi avec plaisir que j'ai retrouvé les petites notes caractéristiques à Amélie Nothomb :
C'est quand l'homme est aussi joyeux qu'il doit l'être qu'il devient capable d'accueillir le grand vin de lui accorer l'attention suprême qu'il mérite.
L'alcool de Pétronille, et la philosophie de Riquet à la Houppe :
Ce qui disparaît quand on meurt, c'est le temps. Étrangement, il faut du temps pour s'en apercevoir. La musique devient l'unique chose qui permet d'en avoir encore une vague notion : sans son déroulement, le mort ne comprendrait plus rien à ce qui s'écoule.
Le temps, le mal, le divin… Tant de thématiques propres à la réflexion et qui ont su me conquérir dans une histoire peut-être un peu longuette :
- Accusé, tu seras crucifié.
J'ai aimé son économie de langage . Le génie du latin ne commet jamais de pléonasme. J'aurais détesté qu'il dise : "Tu seras crucifié à mort." Une crucifixion n'a pas d'autre issue possible.
semblant se rallonger pour faire durer le temps entre les actions historiques ; mais tout de même magnifique et plus qu'à la hauteur de mes attentes (en fait, je n'en attendais rien si ce n'est de me faire chavirer une fois de plus).
@India - 15/09/2019