11 Mars 2020
Quelle œuvre magnifique que je viens de lire ! Il faut a-bso-lu-ment que vous lisiez Le Meilleur des mondes ! Visionnaire et futuriste, cette fiction va très loin dans un avenir auquel je n'avais jamais pensé, et engage plein de problématiques et réflexions. J'oserai ajouter "humouristique", même si ce n'est pas le but, mais certains passages sont vraiment très drôles. Laissez tomber vos aprioris sur les classiques et la philosophie pour vous laissez conseiller et apprécier la belle littérature !
Au septième siècle de l'an Notre Ford, le moi n'existe plus. Les individualités sont éliminées pour appartenir à un tout, la société qu'ils composent : "Communauté, Identité, Stabilité". Ils sont divisés en castes : les Alphas, Betas, Gammas, Deltas et Epsilons, plus et moins. Conditionnés dès leur fabrication en laboratoire, ils se savent que ce que leur caste oblige à savoir. Ils intègrent malgré eux des slogans et des idées sur les choses. Tous sont utiles : du plus faible Epsilon au plus ingénieux Alpha, tous permettent à ce monde civilisé de fonctionner. Bernard Marx ne fait pas partie de ces idiots dociles qui prennent du soma quand tout va mal pour s'écarter de la réalité, ou qui ressassent les phrases de leur conditionnement.
- "Fus" et "serai", ça n'est pas gai, cita-t-elle, un gramme, et puis plus rien que "suis".
Petit et frêle pour un Alpha, on dit que du pseudo-alcool aurait été versé dans son sang pour qu'il soit aussi dérangé. Quand on lui parle de relations sexuelles tout à fait ordinaires, il détourne la tête et rougit. Pourtant, "tout le monde appartient à tout le monde" et dès l'enfance, ces milliers de clones sont habitués à la sexualité.
Au dessus d'eux, sur dix étages successifs consacrés aux dortoirs, les petits garçons et les petites filles, qui étaient encore en âge à avoir une sieste d'après-midi, étaient aussi occupés que tous les autres, bien qu'il n'en sussent rien, écoutant inconsciemment les leçons hypnopédiques sur l'hygiène et la sociabilité, sur le sentiment des classes sociales et la vie amoureuse du mioche qui sait à peine marcher.
Plus tard, tout en prenant les précautions nécessaires, bien sûr. Les accidents n'arrivent pratiquement jamais. Car voyez-vous, les "pères" et les "mères" sont des mots qui déclenchent l'hilarité.
- Le foyer, la maison, quelques pièces exiguës, dans lesquelles habitaient, tassés à s'y étouffer, un homme, une femme périodiquement grosse, une marmaille, garçons et filles, de tous âges. Pas d'air, pas d'espace, ; une prison insuffisamment stérilisée ; l'obscurité, la maladie et les odeurs.
(L'évocation présentée par l'Administrateur était si vivante que l'un des jeunes gens, plus sensible que les autres, fut pris de pâleur, rien qu'à la description, et fut sur le point d'avoir la nausée.)
Les espèces autrefois vivipares ont toutes été re-conditionnées, et celles qui refusaient le traitement ont été enfermées dans les Réserves. Lenina Crowe, encouragée par Fanny Crowe, décide d'accompagner Bernard en voyage dans une de ces réserves. Depuis quelques temps, elle havait la fâcheuse habitude de ne prendre qu'Henry Foster. Hors avoir un seul partenaire est très inquiétant, voire défendu. Mais si Bernard est un être différent que ce monde dégoûte, Lenina le trouve intéressant. De son côté, Bernard n'arrive pas à réaliser qu'une femme si jolie que Lenina s'intéresse à lui… C'est néanmoins dans une ambiance stressante qu'ils font route vers une Réserve de peuples indiens. Alerté par son mauvais comportement : solitude, insuffisance d'activité sociale, retrait et paroles incorrectes, le directeur Thomas menace Bernard de l'envoyer dans un sous-centre en Islande. Mais ce qu'il découvre dans la Réserve lui permet une parade contre ce directeur à qui il se sentait si fier de tenir tête !
"Symptôme déplorable de la faillite d'une catégorie d'intellectuels en temps de crise" disait de lui un "critique académique éminent"… Le Meilleur des Mondes, utopie ou dystopie ? Je trouve cela beaucoup plus passionnant de s'intéresser à notre futur d'un point de vue péjoratif plutôt que mélioratif. Nos sociétés sont motivées par l'espoir de changements, et sur ce point les réflexions sur le bonheur d'Aldous Huxley dans sa préface (à lire après de préférence)sont complémentaires à l'intrigue. L'espoir du bonheur, c'est le bonheur. Y voir quelque chose de mélioratif serait refuser l'espoir, et donc le bonheur. Derrière une histoire sympathique se voile un essai philosophique dont j'ai absorbé les principes comme une petite éponge !
J'ai été étonnée, en partageant mes avis sur Le Meilleur des mondes, de constater que très peu de gens connaissaient alors que j'étais persuadée qu'il était super connu ! Même des amies en L qui avent philo avec moi… De vieux souvenirs qui ressurgissent ! Mais à ce moment là j'avais su retenir des titres que je suis heureuse de brandir aujourd'hui ! Enfin brandir… Si je me suis décidée à lire ce livre, c'est parce que je travaille en art sur la dystopie, et j'avais besoin de bases littéraires ; mais aussi parce que j'avais vu la couverture de ce livre sur les bannières des manifestations anti-GPA/PMA. Enfin, pour finir, voici quelques citations que j'ai aimées et qui serviront d'exemple pour le style de l'auteur :
Son éminence intellectuelle entraîne avec elle des responsabilités morales. Plus les talents d'un homme sont grands, plus il a le pouvoir de fourvoyer les autres. Mieux vaut le sacrifice d'un seul que la corruption d'une quantité de gens.
C'est là une chose inévitable : car l'avenir immédiat a des chances de ressembler au passé immédiat, et dans le passé immédiat les changements technologiques rapide, s'effectuant dans une économie de production en masse et chez une population où la grande majorité des gens ne possède rien, ont toujours eu tendance à créer une confusion économique et sociale.
- La stabilité, dit l'Administrateur, la stabilité . Pas de civilisation sans stabilité sociale. Pas de stabilité sociale sans stabilité individuelle.
Ce que l'homme a uni, la nature est impuissante à le séparer.
@Esther - 26/01/2020