26 Novembre 2019
Enfin passé le concours blanc, je me suis accordé quelques heures de répit. Enfin, j’aurais bien voulu, mais ça ne rentrait pas dans mon programme. En prépa, il faut choisir entre le sommeil et le divertissement. Nous autres jeunes mais épuisés remplaçons souvent cette pause par « devoirs ». Toujours est-il que j’ai décidé de relire Le Livre de Perle, de Timothée de Fombelle. J’ai donc pris sur mes heures de sommeil, et cela a parfaitement collé à mon programme arrangé : au lit avant trois heures du matin !
Joshua Perle arriva à Paris par un jour pluvieux de l’année 1936. Celui qui allait l’accueillir, Jacques Perle, emballait minutieusement une guimauve dans la Maison Perle. Il s’installa avec l’homme et sa femme, Esther, et ne fut jamais remarqué. Il parlait peu, il avait fallu lui apprendre le français qu’il répétait avec un accent venu d’ailleurs. Parfois, il avait ses crises où il parlait dans sa langue, cassait les fonds des armoires avec des pieds de chaise et évoquait des passages entre des mondes. Car dans un autre monde « auquel le nôtre ne croit plus », une fée a abandonné ses pouvoirs pour le prince qu’elle aime. Mais ce prince ne règnera jamais. Son frère et tyran les recherche, lui et la fée. S’il les trouve il les tuera. La fée, elle, pleure sur le corps de son amant. Il n’est pas mort, mais parti. Il est ailleurs. Si elle veut vivre avec lui, elle ne doit jamais se faire voir de lui. Alors elle s’engouffre dans la brèche et apporte des preuves. « Il leur faudra des preuves » : des preuves des camps de concentration, de la déportation des juifs, tout comme des preuves de l’existence d’un autre monde. Traqué par son frère et par son chagrin, Joshua Perle amasse des reliques de fééries dans des valises. Elles sont son horizon, son passé, et, il l’espère, la clé de son retour.
Je l’avais déjà lu il y a longtemps, en quatrième ou troisième. Les émotions ne sont pas les mêmes à douze et dix-sept ans mais je vais vous faire une balance de mes idées. Tout d'abord, c'est très émouvant de reposer ses yeux sur ces lignes connues, mais que l'on redécouvre autrement. Avec plus de recul et de maturité, je peux affirmer que c'est un livre pour la jeunesse, qui parle mieux aux enfants qu'aux adultes. De plus, les adultes ont souvent tendance à s'écarter des contes, du merveilleux univers du fantastique en considérant que ces histoires ne sont plus de leur âge. Et pourtant, c'est ce qui nous permet à tous, quelque soit notre âge, de rêver ! J'approche de la maturité, et j'espère que dix-huit dans ne changeront rien dans ma conception de la littérature. Bref : vous l'aurez compris, le monde des contes est dressé à notre portée - ou non. Cela vous dérange-t'il de ne pas comprendre l'histoire dès le début d'un livre ? Malgré mes tendances rationnelles, j'aime énormément le fantastique et tout ce qui dépasse les barrières du réel. Plongés dans les traques haletantes de Timothée de Fombelle, des contrées lointaines et des personnages attachants interagissent autour de nous, comme le narrateur. D'ailleurs, ce narrateur dont je n'ai pas parlé dans le résumé fait partie de l'histoire, ce que j'ai trouvé un peu dommage. Puisque nous y sommes à ce point, l'histoire aurait dû, selon moi, s'arrêter bien avant (j'entends quatre chapitres avant la fin). Les chapitres de la fin attisent la curiosité du lecteur avant de le laisser "en plan" sur une fin ouverte. C'est cette fin ouverte que je n'avais pas aimé à ma première lecture, mais qui permet de rêver. Actuellement, je pense que si l'auteur est allé jusqu'à ce point de son histoire, il aurait pu aller jusqu'au bout. Enfin, je l'ai relu d'un coup. Le Livre de Perle est construit sur des ellipses qui permettent de lire le livre en plusieurs fois ; et surtout en prenant son temps.
Ce livre est d'une poésie incroyable et pleine d'émotion :
Iliån savait qu'Oliå était une fée. Il l'avait su au premier instant même si elle excellait à rendre ses dons invisibles, à les dissimuler dans les mystères ordinaires de la vie. Une averse au moment opportun, une roche qui se penche pour leur donner refuge. Iliån déchiffrait tout. Il avait entendu assez d'histoires. Son père lui avait décrit les fées et leur air indomptable. Elles tenaient tête aux mauvais rois et aux marâtres. Oliå était comme elles, mais avec en plus cette douleur secrète, ces fantômes, ce secret qui touchait le cœur d'Iliån.
On ne peut se passer de la plume de Timothée de Fombelle, surtout quand on est un enfant.
@Esther - 24/11/2019