11 Janvier 2018
Voilà que je passe mon oral blanc de français dans peu de temps, alors j'en profite pour me cultiver un peu. J'ai commencé après les vacances On ne badine pas avec l'amour de Musset, et j'ai tout de suite été plongée dans une sensation de lassitude : comme chez Molière dans une grande majorité de ses comédies, l'histoire tourne autour d'un mariage impossible entre deux personnages pour telle ou telle raison. De ce fait, ce n'est pas l'histoire en elle-même qui m'intéresse (j'ajoute que la fin m'a été dévoilée par une personne qui se permet de spoiler quand on lui dit de ne pas le faire...) mais les messages que l'on peut trouver dedans. Suite à cette longue introduction, voici la trame classique :
Camille a dix-huit ans, elle sort du couvent avec sa gouvernante Dame Pluche pour aller dire au-revoir à son oncle, baron. Elle voudrait devenir religieuse, mais celui-ci boulverse tous ses plans quand il lui annonce qu'il songeait à la donner en mariage à son fils Perdican. Elle a passé toute sa jeunesse auprès de lui, lorsqu'elle vivait chez sa sœur de lait, Rosette. Mais c'est d'un amour fraternel le qu'elle l'aime, et c'est ce que ne comprend pas Pedican. Alors Camille fait tout pour le dégoûter d'elle. Ayant intercepté un billet contenant ces intentions, Pedican, blessé en son cœur, entreprend la conquête mensongère du cœur de Rosette. Et bien sû, il la coutise devant Camille ; qui ne reste pas indifférente à ce jeu. Cependant, par une mise en scène de Camille, Rosette entend Pedican jurer son amour à Camille. Elle qui ne voyait pas pourquoi il pourrait lui mentir ? Ciel ! Les complications ne sont pas en marge. Avec d'un autre côté Maître Blazius, le gouverneur de Pedican, qui accuse Maître Bridaine, le curé, d'être un ivrogne ; tandis que le curé dit la même chose sur lui.
Alors, le résumé est assez court car on tourne longtemps autour du pot (vous savez, les manières de l'époque...). On retrouve bien évidemment les noms propres à la comédie : Pédican, Blazius, Bridaine, et aussi le nom paysan : Rosette. Et le nom de Dame Pluche ! Mais qu'est-ce-que c'est adorable ! Pluche, comme une pluche de manteau, comme une peluche... Bon je divague mais c'est trop minion ! Par contre elle a pas l'air d'être très appréciée 😂 :
LE CHŒUR : Mourrez au loin, Pluche, ma mie ; mourrez inconnue dans un caveau malsain. Nous ferons des vœux pour votre respectable résurrection.
Serait-ce pour donner moins d'ampleur à l'intrigue principale au l'on a cette dispute entre les Maîtres Blazius et Bridaine ? Je n'arrive jamais à me rappeler qui est qui. Heureusement, ce Musset avait le sens de l'humour (un humour dépassé aujourd'hui et qui ne fait plus rire que moi, mais tant pis), avec ses histoires de latin :
LE BARON : Je serais bien aise de vous voir entreprendre ce garçon, - discrètement, s'entend, - devant sa cousine ; cela ne peut produire qu'un bon effet ; - faites-le parler un peu latin, - non pas précisément pendant le dîner, cela deviendrait fastidieux, et quant à moi, je n'y comprends rien, - mais au dessert, - entendez-vous ?
MAÎTRE BRIDAINE : Si vous n'y comprenez rien, monseigneur, il est probable que votre nièce est dans le même cas.
LE BARON : Raison de plus ; ne voulez-vous pas qu'une femme admire ce qu'elle comprend ? D'où sortez-vous, Bridaine ? Voilà un raisonnement qui fait pitié.
MAÎTRE BRIDAINE : Je connais peu les femmes ; mais il me semble qu'il est difficile qu'on admire ce qu'on ne comprend pas.
Voilà pourquoi j'ai arrêté le latin. Dieu m'en garde !
Un autre élément de comédie : une évocation d'un évènement à venir au début du texte, comme (j'enfile pour montrer le style) :
LE CHŒUR : [...] deux hommes à peu-près-pareils, également gros, également sots, ayant les mêmes vices et les mêmes passions, viennent par hasard à se rencontrer, il faut nécessairement qu'ils s'adorent ou qu'ils s'excèrent. [...] je prévois une lutte secrète entre le gouverneur et le curé. [...] Déjà je les vois accoudés sur la table, les joues enflammées, les yeux à fleur de tête, secouer plein de haine leurs triples mentons. [...] bientôt la guerre se déclare [...].
Ayant acheté mon livre d'occasion, j'ai des commentaires marqués au crayon dans la marge. Très amusants, je cite : "accusation, c'est lui qui l'oblige à être insensible. Un jour, de jouer avec le cœur de tout le monde il va se retrouver tout seul". Haha.
Cette remarque sert à rien mais je crois que je n'ai jamais vu autant de points-virgules dans un seul livre. Incroyable.
Je disais que ce livre est riche, on peut trouver ses propres citations à la manière dont je le fais. Lisez donc, cela pourrait-être important, comme en philosophie par exemple... 😏 Simple hasard.
Le monde n'est qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange.
Mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux.
Les religieuses t'ont donné leur expérience ; mais, crois moi, ce n'est pas la tienne.
Êtes-vous sûr que tout ment dans une femme, lorsque sa langue ment ?
Le bonheur est une parle si rare dans cet océan d'ici-bas !
Des citations ou des expressions : "cette pauvre fontaine qui nous regarde tout en larmes" : c'est trop mignon, encore une fois ! J'adore ce livre. D'abord Dame Pluche, ensuite la fontaine qui pleure... comme c'est beau.
Après le moment mélancolique de la poésie de Musset, revenons à ce cher Molière dont on parlait tout à l'heure... Eh bien il fait son come back en Musset, où nous remarquons un parallèle (comme vous l'aurez bien entendu déjà deviné, sans hésitation) de ce passage
Entre MAÎTRE BRIDAINE : Que font-ils ? Hélàs ! Voilà midi. - Ils sont à table. Que mangent-ils ? que ne mangent-ils pas ?
avec le monologue d'Harpagon dans L'Avare, suite au vol de sa cassette.
Où courir ? Ou ne pas courir ?
Ça vous rappelle quelque chose ? Ah, heureusement. C'est du badinage, pourquoi il s'attarde sur ça, notre Maître Bridaine ? Ça ne sert à rien.
Lorsqu'on assiste à dévoilement de Rosette, qui a entendu la convseration passionnée de Perdican à Camille, on découvre une véritable face cachée de Camille qui m'a un peu surprise : elle est violente et comme sans émotions ; elle a manipulé sa "sœur" pour arriver à ses fins. Elle lui fait du mal et cela ne semble pas l'affecter. Enfin, la fin n'est pas plus surprenante que cela. Tout change d'un instant à l'autre, et c'est peut-être le plus déstabilisant.
Il est vraiment intéressant de creuser cette lecture et ne pas rester en surface, aussi c'est très fortement que je vous conseille ce livre. Désolé si ce fut un peu long, je voulais vous partager tout ces que j'ai perçu par une simple lecture afin de vous montrer le réel sens du mot "lire". Lire c'est chercher un sens à sa lecture, un sens dans le monde aussi bien que dans le contexte. Ici, pour moi, les personnages ne sont rien, ils ne signifient rien ; comptent uniquement les messages déguisés. Voilà, je vous laisse le CHOIX de courir en librairie ou non 😉.
@India - 11/01/2018